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Faut-il légiférer sur le burn-out ?

  • Patrick Coquart
  • 13 mai 2016
  • 4 min de lecture

Benoît Hamon a déposé une proposition de loi pour que le burn-out soit plus facilement reconnu comme maladie professionnelle. Mais si ce syndrome d’épuisement professionnel est bel et bien une réalité, son diagnostic est difficile à faire. D’autant plus qu’entre en ligne de compte des dimensions personnelles.

L'homme fatigué de József Somogyi est-il victime de burn-out ?

Benoît Hamon, député socialiste, a déposé une proposition de loi, en février dernier, – et a parallèlement lancé une pétition – « visant à faciliter la reconnaissance du syndrome d’épuisement professionnel en tant que maladie professionnelle ».

L’ancien ministre veut que le syndrome d’épuisement professionnel, ou burn-out, soit inscrit au tableau des maladies professionnelles. Cela permettrait sa prise en charge par la branche accidents du travail et maladies professionnelles de l’Assurance Maladie, qui est financée par les employeurs, et non plus par la branche maladie. Les cotisations des entreprises étant fonction de leurs résultats quant aux accidents du travail et maladies professionnelles, elles seraient ainsi financièrement incitées à mieux prévenir le burn-out. De plus, les salariés concernés seraient couverts et bénéficieraient des indemnités journalières permettant de compenser la perte de rémunération entraînée par l’arrêt de travail.

Benoît Hamon et ses 82 collègues signataires de la proposition de loi veulent également « faciliter l’instruction et la reconnaissance individuelle des cas de burn-out par les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles » en supprimant le seuil de 25 % d’incapacité permanente partielle (IPP) aujourd’hui nécessaire pour engager une telle procédure.

L’intervention du législateur se justifie, selon les auteurs du texte, parce qu'« en France 3,2 millions de français sont exposés à un risque élevé de burn-out ». Ce chiffre est tiré d’une étude du cabinet Technologia, publiée en mai 2014. Un chiffre très élevé, qui fait immédiatement comprendre le coût que pourrait avoir, pour les entreprises, l’adoption de la proposition de loi Hamon. À l’heure où l’on cherche désespérément à baisser le coût du travail dans notre pays, il n’est pas sûr que cela soit une bonne idée.

Mais, allez-vous me dire, à juste raison, la santé des « travailleurs » n’a pas de prix ; et il serait plus pertinent que les coûts, aujourd’hui supportés par la collectivité, le soient par les entreprises à l’origine du burn-out.

Cependant, les choses ne sont pas si simples. Sur les chiffres d’abord. On parle de 200 cas reconnus de burn-out en 2015. L'Institut national de veille sanitaire (INVS), évoque 30 000 personnes touchées. Un écart considérable qui tendrait à montrer que l’on met parfois sous le syndrome d’épuisement professionnel des choses qui n’en sont pas. Le terme de burn-out est aujourd’hui quelque peu galvaudé. Emmanuelle Anizon et Jacqueline Rémy, auteurs de « Mon travail me tue », affirment que « les généralistes et les psychiatres sont souvent exaspérés de voir déferler des nuées de patients qui se disent en burn-out dès qu'ils en ont ras-le-bol de leur chef ou de leur boulot ».

D’ailleurs l’Académie nationale de médecine, dans un rapport rendu public la veille du jour où Benoît Hamon déposait sa proposition de loi, affirme qu’en « l’état actuel, le burn-out ne peut pas être un diagnostic médical ». Et pourquoi donc ? Parce qu’il n’y pas d’accord de la communauté médicale sur les signes cliniques et qu’ainsi le diagnostic n’est pas possible. C’est une réalité écrivent les auteurs du rapport, mais ses limites sont imprécises.

Pierre-Éric Sutter, psychologue du travail et président de la société de conseil m@rs-lab, a été invité, ce mardi 10 mai dernier, par le cabinet d’avocats Forge & Associés à porter un regard croisé sur le sujet, aux côtés de Maître Marie-Sophie Rozenberg. Il a insisté, tout comme le font la Direction générale du travail (DGT), l’Anact et l’INRS dans leur « Guide d’aide à la prévention », sur la dimension individuelle du syndrome.

Bien entendu, les conditions de travail sont déterminantes dans le burn-out. Mais celui-ci est également dû à des causes interpersonnelles, liées aux rapports sociaux, et à des causes intrapersonnelles, liées au concept de soi (idéal, image et estime de soi).

Bref, face à une même situation au travail, un individu A peut être atteint par un burn-out, alors qu’un individu B réagira tout autrement.

Pourquoi, dans ce cas, l’employeur devrait-il être toujours et automatiquement responsable ? Doit-on lui faire grief du surinvestissement dans le travail d’un de ses collaborateurs ?

Cela me fait penser à cette entreprise industrielle qui avait doté ses ouvriers de bouchons d’oreille adaptés, c’est-à-dire fabriqués selon une empreinte des oreilles de chacun. Dès que le responsable d’atelier avait le dos tourné, les collaborateurs enlevaient les bouchons parce qu’ils étaient incommodés et soumettaient donc leurs tympans au bruit infernal de l’usine. Qu’advient-il alors quand l’un des ouvriers devient sourd et qu’il se retourne contre son employeur ? Est-on vraiment certain que ce dernier est entièrement responsable de ce qui arrive ?

Le burn-out n’en est cependant pas moins une réalité. Les employeurs doivent s’emparer du sujet, faire de la prévention, sensibiliser et former leurs managers, mais aussi leurs collaborateurs pour qu’ils puissent détecter les signes avant-coureurs. Des baromètres peuvent être mis en place. Le Code du travail prévoit, pour les salariés en forfait jours, un entretien annuel sur la charge de travail, l’organisation du travail et l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, (art. L. 3121-46). Il peut être étendu à l’ensemble du personnel dans le cadre de l’entretien annuel.

Ce qui est certain, c’est qu’une nouvelle législation n’empêchera pas tous les cas de burn-out d’apparaître.

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